Félix Tshisekedi : Retour historique du 11 Novembre 2018 au 24 Janvier 2019

Félix Tshisekedi : Retour historique du 11 Novembre 2018 au 24 Janvier 2019

Pour faire face au candidat de la majorité présidentielle, le Front commun pour le Congo, FCC, de Joseph Kabila, Président en exercice, l’Opposition a résolu de faire front commun. A Genève en Suisse, où sept ténors se sont retrouvés pour cela le 11 Novembre 2018 sous le label de Lamuka, plateforme créée à cet effet, Martin Fayulu récolte plus de voix de ses paires et est choisi candidat commun de l’Opposition. Le lendemain, la base de l’Union pour la démocratie et le progrès social, UDPS, plus grand parti politique de l’opposition, se révolte et rejette l’écartement de son leader Félix Tshisekedi de la course à la Présidentielle. La base de l’Union pour la nation congolaise, UNC, de Vital Kamerhe emboîte le pas à l’UDPS. Les deux leaders renoncent à leurs signatures apposées à Genève, se retrouvent à Nairobi au Kenya, et lancent le Cap pour le changement, CACH. Félix Tshisekedi est porté candidat. A l’issue du scrutin présidentiel du 30 Décembre 2018, Félix Tshisekedi est proclamé provisoirement vainqueur par la Commission électorale nationale indépendante, CENI. La Cour Constitutionnelle va confirmer son élection le 20 Janvier 2019. Et quatre jours après, soit le 24 Janvier 2019, il prête serment et est investi Cinquième Président de la République démocratique du Congo. Un processus ponctué de péripéties à couper le souffle. Retour sur les faits marquants.

Alors que tous les sondages le plébiscite meilleur candidat potentiel de l’Opposition et probable vainqueur à la présidentielle de Décembre 2018, ce, après l’écartement de la course de Moise Katumbi et de Jean-Pierre Bemba, deux autres poids lourds de l’Opposition, Félix Tshisekedi est désillusionné à Genève. Le choix du candidat commun de l’opposition qui devait se faire par consensus dans la capitale suisse où sept ténors se sont retrouvés pour se faire, se passe finalement par votes. Martin Fayulu sort du lot et est proclamé candidat commun de l’opposition, le même jour, soit dans la soirée du 11 Novembre 2018.

Les sept ténors de l’Opposition lors du conclave de Genève (Photo droits tiers)

Un « accord de coalition politique des forces de l’opposition Lamuka » est signé à cet effet par Jean-Pierre Bemba, Martin Fayulu, Vital Kamerhe, Moïse Katumbi, Freddy Matungulu, Adolphe Muzito et Félix Tshisekedi, les sept leaders qui avaient décidé « d’unir [leurs] forces dans un élan d’action pour vaincre les démons de la division, qui font le lit de la dictature, et de présenter une candidature commune à l’élection présidentielle (…) ». Les sept leaders de l’Opposition étaient réunis sous l’égide de la Fondation Kofi Annan et de son directeur exécutif le Britannique Alan Doss.

Ainsi investi par ses paires de l’opposition, Martin Fayulu dit se sentir investi d’une mission pour « sortir le pays du trou où il se trouve ». Il affirme avoir une chance énorme pour remporter la prochaine présidentielle. « J’ai autour de moi six autres leaders. Nous quadrillons tout le territoire et j’ai une base élargie sur l’étendue du territoire. Nous pensons être en mesure de battre le candidat du Front commun pour le Congo », renchérit-il avec beaucoup d’assurances.

Coup de théâtre

Le lendemain matin de l’événement de Genève, soit le 12 Novembre 2018, la base de l’UDPS/Tshisekedi, plus grand parti de l’Opposition se révolte et manifeste dans la rue à Kinshasa contre la mise à l’écart de son leader Félix Tshisekedi. Pour les combattants, attendez militants de ce parti de masses, cette hypothèse est impensable. Ils exigent à son président de se retirer de cet accord de Genève et de se présenter à la présidentielle.

La base de l’Union pour la nation congolaise, UNC, emboîte le pas aux militants de l’UDPS et exige autant à son leader Vital Kamerhe.

Les deux opposants, Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe annoncent le 12 novembre le retrait de leurs signatures de l’accord de coalition de Genève, en se désolidarisant du coup de la candidature unique de Martin Fayulu. La raison, selon eux, c’est le mécontentement de leur base.

« Je retire ma signature… Je ne peux aller à l’encontre de la base, ce serait signer la mort de ma carrière politique », a dit Félix Tshisekedi.

De son côté, Vital Kamerhe a fait pratiquement la même déclaration : « J’annonce donc que je retire ma signature pour respecter la volonté de ma base. Sans cette base, je vais m’auto flageller et vais moi-même m’auto exclure du parti ».

Onze jours après, lesquels ont connu de tractations dans les coulisses entre le camp Tshisekedi et le camp Kamerhe, les deux parties se retrouvent officiellement dans une cérémonie solennelle à Nairobi, capitale du Kenya, sous le parrainage du Président Uhuru Kenyatta. A cette occasion, l’UDPS et l’UNC signent « l’accord de Nairobi » pour la « concrétisation de l’alternance démocratique » au pays et qui désigne Félix Tshisekedi comme leur candidat à la présidentielle du 23 décembre 2018.

Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe lors de la signature de l’accord de Nairobi ayant donné naissance au Cap pour le Changement, CACH (Photo droits tiers)

« J’ai pris la décision d’apporter mon soutien à Félix Tshisekedi pour la présidence du Congo », a déclaré Vital Kamerhe lors d’une conférence de presse conjointe avec Félix Tshisekedi à cette occasion.

Dans le cadre de cet accord, Vital Kamerhe devient le directeur de campagne de Félix Tshisekedi au sein de cette nouvelle coalition baptisée Cap pour le changement, CACH. En cas de victoire, l’accord prévoit que Vital Kamerhe deviendra Premier ministre.

De son côté, Félix Tshisekedi, qui s’est félicité de l’accord, a expliqué que l’une des priorités du duo serait de « restaurer la paix dans l’est du pays ».

Les scrutins

Après les dépôts des candidatures notamment pour la course à la Présidence et après examen de tous les dossiers, 21 candidats au total sont autorisés à se présenter pour la succession du président Joseph Kabila, au pouvoir depuis janvier 2001. Au nombre de ces candidats il y a Félix Tshisekedi du CACH, Martin Fayulu de Lamuka et Emmanuel Ramazani du FCC constitué autour de Joseph Kabila.

Lancée le mercredi 21 Novembre 2018, la campagne électorale prend fin le 21 Décembre à minuit. Un mois durant, les différents candidats ont chacun essayé de vendre son projet de société et fait de promesses aux électeurs. Mais pour la ville-province de Kinshasa, la campagne électorale est interrompue le 19 Novembre au nom « d’impératifs sécuritaires », d’après le communiqué du gouverneur André Kimbuta, qui invoque notamment les « incidents » qui ont émaillé la campagne électorale ces derniers jours et qui ont causé « d’importants dégâts ».

Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe en pleine campagne électorale après leur accord de Nairobi (Photo droits tiers)

Au cours de cette campagne, la CENI a connu l’incendie d’un des entrepôts, dans la nuit du 12 au 13 décembre, à Kinshasa. Ce jour-là, « près de 8 000 machines à voter » partent en fumée.

Le 20 Décembre 2019, la Ceni décide du report de l’élection du 23 au 30 Décembre 2019. Raison évoquée notamment, l’incendie enregistré le 12 et 13 Décembre.

Le 30 Décembre 2018, un dimanche, les Congolais se rendent nombreux dans les différents bureaux de vote à travers le pays et opèrent leurs choix pour la présidentielle ainsi que pour les législatives nationale et provinciale.

Proclamation des résultats

Au lendemain du vote, les principaux candidats commencent à se plaindre de certaines irrégularités constatées par ci-par-là.

Sans revendiquer la victoire, Martin Fayulu a écarté l’hypothèse de celle du candidat du pouvoir : « Est-ce que quelqu’un de sérieux peut dire que Shadary a gagné l’élection ? ».

De son côté, Emmanuel Shadary s’était monté un peu plus tôt très confiant : « J’ai déjà gagné. Je serai élu, c’est moi le président à partir de ce soir », a-t-il affirmé le même jour du vote.

Et pour Kamerhe en attente de devenir Premier ministre de Félix Tshisekedi si jamais ce dernier est élu : « Le peuple va assumer son choix », a-t-il prévenu.

Prévue initialement le 6 Janvier 2019, la proclamation des résultats provisoires de l’élection présidentielle intervient le jeudi 10 Janvier vers 3 heures du matin. Ce, après une longue attente.

« Ayant obtenu 7 051 013 suffrages valablement exprimés, soit 38,57%, est proclamé provisoirement élu président de la République démocratique du Congo M. Tshisekedi Tshilombo Félix », a déclaré Corneille Nangaa.

Selon ces résultats, Félix Tshisekedi arrive donc en tête de la présidentielle du 30 décembre devant Martin Fayulu (34,8%), candidat de Lamuka et le candidat du pouvoir FCC Emmanuel Ramazani Shadary (23,8%).

Une semaine après la proclamation des résultats provisoires par la Centrale électorale, les chefs d’État africains réunis à Addis-Abeba le 17 janvier ont estimé qu’il existait de « sérieux doutes sur la conformité des résultats provisoires » de la présidentielle congolaise, annoncés par la Ceni. Ils appellent à la suspension de la proclamation des résultats et annoncent l’envoi d’une mission de haut niveau à Kinshasa le 21 Janvier 2018, avec en-tête le Chef de l’Etat rwandais Paul Kagame, Président en exercice de l’Union africaine, UA.

Le 20 Janvier 2019, la Cour constitutionnelle congolaise, après plusieurs heures de délibéré, a confirmé la victoire de Félix Tshisekedi.

« Proclame élu à la majorité simple président de la République M. Félix Tshisekedi », a ainsi annoncé  Benoît Lwamba Bintu, le président de la Cour constitutionnelle.

Par cette annonce, Félix Tshisekedi devient le cinquième président de la RDC depuis l’indépendance, le 30 juin 1960.

Réagissant à cette confirmation des résultats par la Haute cour, Martin Fayulu s’est exprimé à travers les medias.

« Nous considérons que c’est un coup d’État constitutionnel. Car, au regard de l’article 5 de la Constitution de la RDC, la souveraineté nationale appartient au peuple, qui l’exerce directement par voie de référendum ou d’élections. Je suis désormais le seul président légitime de la République démocratique du Congo. C’est pour cela que je demande au peuple congolais de ne pas considérer comme tel, tout individu qui se présente comme président de manière illégitime, ni d’obéir à ses ordres. Par ailleurs, je demande à l’ensemble de la Communauté internationale, de ne pas reconnaitre un pouvoir qui n’a ni légitimité, ni qualité légale pour représenter le peuple congolais… Je lance donc un appel au peuple congolais : il doit organiser des manifestations partout sur le territoire national ».

Investiture

Le 24 Janvier 2019, sous un soleil luisant et dans une cour du Palais de la Nation revêtue de sa plus belle robe, des militaires parés comme jamais et une foule immense de combattants de l’UDPS, a lieu la cérémonie d’investiture du Vème Président de la RDC, Félix Tshisekedi.

En présence de son prédécesseur Joseph Kabila, du Président kenyan Uhuru Kenyatta et de plusieurs autres officiels nationaux et étrangers venus pour la circonstance, Félix Tshisekedi prête le serment constitutionnel dans une formule consacrée devant la Haute Cour réunie en audience solennelle.

«  Moi, Tshisekedi Félix Antoine Tshilombo, élu Président de la République Démocratique du Congo, je jure solennellement devant Dieu et la nation, d’observer et de défendre la Constitution et les lois de la République », a déclaré en substance le nouveau Président.

Après la prestation de serment, le Président Tshisekedi a reçu les symboles du pouvoir des mains du président sortant Joseph Kabila. C’est la première transmission pacifique du pouvoir depuis l’indépendance depuis 1960.

Le Président Tshisekedi brandissant la Constitution, un des symboles du pouvoir, le jour de son investiture (Photo droits tiers)

Dans son discours d’investiture, Félix Tshisekedi a insisté notamment sur l’unification et la réconciliation nationale du peuple, mais aussi sur son engagement à booster le développement de la RDC en mettant fin à l’insécurité, à la pauvreté et au chômage qui frappe le peuple congolais.

« Le gouvernement que nous allons nommer prochainement et qui sera investi par le Parlement va décliner son action politique sur plusieurs priorités, la pacification de tout le territoire national en accélérant l’éradication des groupes armées […], la lutte contre la pauvreté par des actions sociales et une politique novatrice de cohésion nationale, la consolidation d’un état de droit […] au service de l’emploi, de la jeunesse, de l’éducation, de la santé, … Une lutte efficace et déterminée contre la corruption et les antivaleurs, l’impunité, la mauvaise gouvernance, le tribalisme et pour la promotion de la presse, des médias pour en faire réellement un quatrième pouvoir ».

Submergé par la chaleur, le poids de l’émotion et aussi d’un gilet pare-balle quasiment visible à l’œil nu, le Président Tshisekedi a fait un malaise de plus de dix minutes lors de son discours d’investiture. Assumant un moment de faiblesse, il s’en est excusé « auprès du président de la République » Joseph Kabila « et de nos distingués invités ». Et après tout a continué normalement et s’est bien terminé.

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