« Responsabilité et pas de course aux scoops » recommandés aux journalistes en temps de guerre

La République démocratique du Congo, RDC, traverse un moment difficile avec la guerre dans le Nord-Kivu caractérisée par l’agression rwandaise sous couvert du M23. Une période toute aussi particulière principalement pour les journalistes congolais dans l’exercice de leur profession. Ce qui a poussé l’association des Médias d’information en Ligne de la RDC, MILRDC, à organiser un atelier sous le thème : « La problématique du traitement de l’information pendant la période de conflit ». Une organisation qui a bénéficié de l’appui de l’Ong Internews et qui s’est tenue le mardi 13 Décembre 2022 au Centre culturel Boboto dans la commune de la Gombe, à Kinshasa.

Circonscrivant le contexte, Israél Mutala, président de MILRDC a, d’entrée de jeu, rappelé que la corporation était à l’occasion à son 10ème atelier organisé en 2022 avec l’appui de ses partenaires. Le thème choisi « La problématique du traitement de l’information pendant la période de conflit » tombe à pic. Ce, alors que dans leurs rédactions respectives, les journalistes sont confrontés à ce qui ressemble à des dilemmes, notamment ce qu’on peut ou ne pas publier, à qui donner la parole ou comment se prémunir de la propagande du Gouvernement. Une formation opportune à l’attention des journalistes membres de MILRDC, dans le but de  leur permettre de s’outiller davantage et de mesurer les conséquences des actes à poser en cette période et au regard de la loi.  

Les intervenants, au nombre desquels Me J’Espère Imembe, Me Charles Mushizi, le journaliste Patient Ligodi en présentiels et le professeur Pierre Nsana en visioconférence, ont puisé dans la Loi, dans la déontologie et l’éthique journalistique ainsi que dans l’expérience du terrain, les matières qu’ils ont eus à partager avec les participants.

Me Imembe, avocat et chef de travaux, a parcouru les différentes législations tant au niveau régional que national touchant au droit d’accès à l’information. A ce sujet, il a souligné notamment que sur le plan national, « le droit d’accès à l’information est garantie par la Constitution, en son article 24, qui dispose que « Toute personne a droit à l’information ». Les lois et règlements régissant l’administration publique, particulièrement les fonctionnaires et les services publics, comportent certaines avancées dans la promotion du droit à l’information ». Au-delà de ça, Me Imembe a recommandé aux journalistes de s’intéresser au droit. Ce qui pourra leur permettre de développer des aptitudes et attitudes responsables dans l’exercice de leur fonction et s’en sortir face au principe qui dit que « nul n’est censé ignorer la loi ».

Pour Me Charles Mushizi, avocat et chercheur en matière de droit de la presse, le journaliste se doit de traiter les informations sécuritaires avec beaucoup de retenue pour éviter de s’attirer les foudres des sanctions pénales prévues par le législateur.

« Entretenir, sans autorisation du gouvernement, une correspondance du camp adverse en période de guerre est une infraction. Pendant l’état de siège, le journaliste doit attendre l’autorisation du gouvernement pour divulguer une information liée à la sécurité. Sinon, c’est une infraction», a-t-il fait savoir avec insistance.

Patient Ligodi lors de son intervention (Photo droits tiers)

De son côté, Patient Ligodi, journaliste et patron du média numérique actualite.cd, s’est étendu sur ses expériences de terrain dans le cadre de reportages de guerre. A cet effet, il a présenté trois anecdotes considérées pratiquement comme ses erreurs commises sur différents terrains, pour que les autres puissent tirer de leçons et ne pas répéter ces erreurs.

Mais avant ça, ce journaliste qui est également vice-président de MILRDC, a attiré l’attention des participants sur l’importance qu’il y a de diffuser ou non une information.

« Généralement dans ce que nous faisons comme travail, c’est important quand on va couvrir une actualité que l’on sache que le vrai c’est important, mais c’est peut-être pas le plus important. Parfois il faut dépasser le vrai. J’entends souvent le journaliste lorsqu’i est arrêté, les gens demandent est-ce que ce qu’il a dit est faux ? Oui ce n’est pas faux c’est vrai ! Mais toute vérité n’est pas bonne à dire et comment on le dit… Dans la façon de dire les choses aussi, on peut dire certaines choses sans forcément les dire selon certains termes… Il y a ce qu’on appelle la valeur de l’information (journalistique) et les risques encourus… Est-ce que tout ce que je dois raconter dans mon journal, sur mon site Internet, à la télévision ou à la radio, est-ce-que ça vaut la peine ? Est-ce que le risque que je prends ça vaut la peine de prendre ce risque pour aller raconter ce fait ?… Toute information n’est pas utile. L’information comme fait socialement significatif est une définition importante à retenir. C’est ce qui a du sens pour la société, ce qui est important pour la société, ce qui change la société, ce qui enrichi la société… »

 

Un moment de l’intervention du professeur Pierre Nsana par visioconférence

En dernier lieu, le Professeur Pierre Nsana intervenant par visioconférence à partir de l’Europe, a convié les journalistes à bien faire attention aux mots dans le traitement de l’information notamment en période de guerre. Pour cela, les participants ont été conviés à développer les capacités d’analyse, de tenir compte des risques notamment judiciaires, avant de penser livrer une information. Ainsi, il a conseillé d’avoir des preuves sonores et surtout visuelles, ce qui permettra de se mettre à l’abri de toute mauvaise surprise.

Toutefois pour lui, « La guerre fait partie des évènements qui ne sont pas naturels, mais qui bouleverse profondément les cours des activités au sein d’une société. C’est pour cela que la guerre intéresse le journaliste. Comme la plupart d’événements, la guerre est un évènement anxiogène c’est-à-dire elle crée suffisamment de l’angoisse, de tension dans le chef du citoyen et qu’il faut absolument que le journaliste l’informe sur son déroulement des évènements pour que le citoyen puisse savoir quelle décision prendre. Le citoyen est appelé à prendre les décisions quotidiennement et le journaliste l’aide dans la prise de ses décisions en éclairant sa lanterne grâce à l’information ».

Il sied de signaler que la « Charte sur la sécurité des journalistes en zones de conflit ou de tension » a été  également partagée aux Journalistes et qui tourne autour de huit principes suivants à observer : l’engagement, le plein gré, l’expérience, la préparation, l’équipement, l’assurance, le soutien psychologique et la protection juridique.

Surtout, les Journalistes ont été vivement invités à plus de responsabilité et à éviter surtout une sorte de course aux scoops pendant la période de guerre.

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